Nettoyer l'océan des tonnes de déchets plastique que nous y déversons, voilà une cause digne et heureusement populaire dans de nombreux pays, y compris en Israël. Malheureusement, malgré un espoir fou lancé par le projet « The Ocean Cleanup », la bataille n'est pas encore gagnée.
Jusqu'en janvier 2018, les sacs plastique étaient légion en Israël. Pire, un quart des sacs étaient immédiatement jetés après leur première utilisation, occasionnant un poids total de 15 000 tonnes de déchets annuels. Personne ou presque n'y faisait attention, puisqu'ils étaient gratuits. Puis, l' État hébreu a voté une loi pour les rendre payants et a obligé les supermarchés à déclarer au gouvernement le nombre de sacs vendus. En quelques mois, la différence était notable : 80 % de réduction du nombre de sacs en circulation, assure le ministre de la Protection de l'environnement Zéev Elkin. Quand on sait qu'il s'agissait de 2,7 milliards de sacs par an, il y a de quoi se réjouir. Par ailleurs, l'argent récolté par la vente des sacs (0,10 shekel par unité), soit un total approximatif de 80 millions de shekels, est désormais reversé au Fonds d’entretien du ministère de la Protection de l’environnement. Un fonds qui a voté un budget de près de 4 milliards de shekels d'ici 2030. La prise de conscience des Israéliens est donc un peu tardive mais elle porte ses fruits.
Pour preuve, le succès de Plastic Free Israel, une association « ecolo friendly » qui tire la sonnette d'alarme et convainc les foules. « Nous avons produit plus de plastique durant les dix dernières années que durant le siècle précédent, assure son fondateur. Nous jetons collectivement 8 millions de tonnes de plastique dans les océans chaque année. Si on continue ainsi, il y aura bientôt plus de plastique que de poissons dans l'océan. Ça suffit ! Mais ne désespérons pas, chacun peut faire partie de la solution. Primo, il faut réduire au maximum nos déchets : verres, pailles, bouteilles, sacs, assiettes, etc. Il y a toujours des alternatives. Secundo, il faut ramasser ce que nous avons déjà jeté. Et quand je dis “nous“, c'est collectif. Ce n'est pas grave si vous ramassez les déchets de quelqu'un d'autre. Et vous n'avez pas besoin d'y passer la journée. Ramasser quelques déchets ici ou là, ou le faire seulement de temps en temps, c'est déjà faire une différence. On ne sait jamais qui peut vous suivre ou se joindre à vous. » Un discours optimiste et réaliste qui fonctionne bien, particulièrement parmi les jeunes Israéliens. L'association organise régulièrement des opérations « Clean Up » sur les plages de Tel-Aviv, Haïfa ou Ashdod. Mais aussi des soirées de discussion et de sensibilisation, notamment en projetant des documentaires et reportages tournés partout dans le monde.
Mais on peut aller encore plus loin, comme l'a prouvé avec intelligence un jeune Néerlandais de 24 ans, Boyan Slat. En effet, en septembre 2018, les gigantesques barrages flottants auto-alimentés par le soleil et poussés par les vagues qu’il avait imaginés dans son adolescence ont enfin quitté la baie de San Francisco, en Californie. Leur mission est de capturer les milliers de tonnes de plastique qui encombrent l’océan Pacifique et qui forment ce qu’on appelle le « 7e continent ». C'est en 1997 que le capitaine Charles Moore découvre d’immenses étendues de plastique dans le Pacifique. 3,4 millions de kilomètres carrés (presque six fois la taille de la France) pollués par les humains jusqu’à une profondeur pouvant atteindre les 10 mètres. Le 7e continent est composé de tonnes de plastique qui sont regroupées en cinq endroits par d’énormes tourbillons d’eau, formés par des courants marins, eux-mêmes influencés par la rotation de la Terre. Le 7e continent ressemble à une soupe de plastique : quelques gros déchets y flottent mais il est constitué en majorité de petites particules provenant de l’émiettement des déchets immergés. Depuis que le bateau est parti, l’équipe d’Ocean Cleanup, composée de soixante-dix scientifiques et ingénieurs et disposant d'un budget de 20 millions de dollars, a rencontré de nombreux problèmes. Le premier d'entre eux : une fois le plastique capturé par le filet, ce dernier en ressort aussitôt et se retrouve à nouveau dans la mer. Le cœur du problème réside dans le fait que les déchets plastique se déplacent plus vite que la barrière et ont malheureusement le temps de ressortir du tuyau en forme de U. Boyan Slat et son équipe sont donc en train de chercher les solutions pour y remédier. « Ce que nous essayons de faire n’a jamais été fait auparavant, a déclaré Slat. Alors, bien sûr, nous devrions encore régler quelques points avant que cela ne devienne pleinement opérationnel. Une équipe d’ingénieurs travaillera au cours des prochaines semaines pour élargir la barrière flottante de manière à capter plus de vent, de vagues et l’aider à aller plus vite. » Selon Slat, ce système pourrait éliminer 50% des plastiques de la région en cinq ans. Toutefois, d’autres scientifiques affirment qu’il pourrait constituer une menace pour la vie marine. George Leonard, par exemple, un scientifique d’Ocean Conservancy, a déclaré que « la vraie solution est d’empêcher le plastique d’atteindre l’océan et d’éduquer les populations à réduire leur consommation de contenants et de bouteilles en plastique ». Moralité : même avec une technologie de pointe, il faudra une véritable prise de conscience collective dont on est encore loin. En Europe, par exemple, ce sont 100 milliards de sacs plastique à usage unique qui sont encore consommés chaque année, selon le ministère de la Transition écologique et solidaire. Chaque geste compte.
Publié le 10/05/2019