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Israël, l'environnement et le développement durable

Ecrit par Joël Weill - Président de la Commission Énergie et Environnement à l'ICC (International Chambre of Commerce) - Israël

Israël est très présent dans les médias et les réseaux sociaux en ce qui concerne sa situation militaire et diplomatique et le high-tech, mais beaucoup moins dans le domaine de l'environnement, bien qu'il s'agisse d'un cas unique à la fois au Proche-Orient et par rapport à l'ensemble des pays développés.


Les conditions naturelles et démographiques

Israël dans ses frontières internationalement reconnues a une superficie de 20 700 km2, et contrôle le Golan et la zone C de la Cisjordanie /Judée-Samarie qui rajoutent environ 5000 km2

Environ la moitié de ces territoires est désertique, mais même l'autre moitié a une pluviométrie faible, donc des ressources naturelles en eau très limitées – essentiellement le Jourdain (y compris le lac de Tibériade et la mer Morte) et deux grands aquifères souterrains qui desservent en commun Israël et la Cisjordanie. 

Sur le plan énergétique, Israël et les zones qu'il contrôle sont totalement dépourvus de charbon et de pétrole, mais d'importantes réserves de gaz naturel offshore (en Méditerranée) ont été découvertes il y a quelques années et ont commencé à être exploitées. Et bien sûr Israël bénéficie d'un ensoleillement très intense presque toute l'année.

La source principale des problèmes environnementaux d'Israël et des territoires palestiniens est la démographie, qui présente des caractéristiques uniques au monde :

  • Sa croissance :  la population totale (juive et arabe) de la Palestine à l'ouest du Jourdain est passée de 1,5 million en 1948 a environ 13 millions d'habitants en 2018, et la population israélienne augmentera, selon la prévision moyenne, de près de 9 millions d'habitants au 1er janvier 2019 à 15 millions en 2050 – avec la même superficie et des ressources naturelles en eau qui ont diminué à cause du changement climatique.
  • Sa densité : 450 habitants au km2 en moyenne en Israël « d'avant 1967 » (contre 110 en France), et plus de 1000 habitants au km2 dans la région centrale (dite Hadera-Gedera, y compris Tel-Aviv et Jérusalem) où sont concentrés 70% de la population.

Cette démographie intense et galopante, qui n'existe dans aucun autre pays développé, pose d'énormes problèmes en termes de ressources (terrains « verts », eau, énergie) et de pollution.

La situation géopolitique et les menaces 

Comme si les conditions naturelles et démographiques ne suffisaient pas, les relations entre Israël et ses voisins proches ou éloignés font que, malgré les traités de paix avec l'Égypte et la Jordanie, Israël est d'une part une « île électrique » dont le réseau ne bénéficie d'aucune réserve extérieure (contrairement aux pays d'Europe et d'Amérique du Nord) et, d'autre part, est menacé en permanence par des attaques de missiles (du Sinaï, de Gaza, du Liban et de Syrie – voire d'Irak  et d'Iran), qui alourdissent les coûts de protection des centrales électriques et éliminent l'option de l'énergie nucléaire, très risquée du fait de la densité de population.

Les succès d'Israël dans le domaine de l'environnement 

Les pères fondateurs d'Israël, et Ben Gourion en particulier, étaient des visionnaires pratiques qui ont mis en œuvre une politique environnementale très avancée dans les années 1950 et 1960 : installation (forcée) des immigrants en périphérie (« villes de développement »), canal national de transport de l'eau du lac de Tibériade jusqu'au centre du pays (Hamovil Haartzi), éducation dès la maternelle aux économies d'eau, recherche sur l'utilisation de l'énergie solaire, création de parcs nationaux protégés.  

En 1979, Israël a été le premier pays à adopter une réglementation imposant que, dans tout nouvel immeuble d'habitation jusqu’à sept étages, l'eau chaude soit produite par des panneaux solaires. Aujourd'hui, Israël détient avec Chypre le  record mondial du pourcentage d'appartements disposant du chauffage solaire de l'eau (85%) – ce qui économise 3% de la consommation nationale d'électricité, chiffre à peu près égal à la réserve du réseau électrique les jours les plus chauds, où la demande est maximale à cause de la climatisation

À partir des années 1980, les principaux succès environnementaux d'Israël ont été :

  • L'augmentation unique au monde des ressources d'eau, grâce au recyclage des eaux usées (80%) et à la mise en service d'usines de désalination de l'eau de mer.
  • La diminution considérable de la pollution locale et globale due à la production d'électricité, qui est aujourd'hui basée à 50% sur le gaz naturel.
  • Le secteur Recherche et Développement du privé : désalination de l'eau de mer (IDE), irrigation « goutte-à-goutte » (Netafim), électricité géothermique (Ormat), systèmes de commande et d'économie des centrales et réseaux électriques (plusieurs dizaines de start-up). Ces produits israéliens sont vendus à l’international, y compris aux pays musulmans. 
  • L'action des municipalités, des universités et de l'armée qui ont modernisé le traitement des déchets, installé un éclairage efficace (LED), développé les espaces verts, les pistes cyclables et l'éducation écologique des écoliers, étudiants et soldats. 

Les retards et les échecs d'Israël dans le domaine de l'environnement

Les succès environnementaux d'Israël, remarquables par rapport à la complexité des conditions naturelles, démographiques et géopolitiques, ne permettent pas d'ignorer les retards et les échecs, qui sont essentiellement dus à l'absence d'une politique globale, cohérente et suivie de l'État (c'est-à-dire des gouvernements successifs de tous bords) depuis vingt-cinq ans dans les domaines de l'aménagement du territoire, des transports et de l'énergie :

  • Concentration croissante de la vie économique et par conséquent de la population dans la région centrale et surtout dans un rayon de 30 km autour de Tel-Aviv, ce qui crée une énorme pression sur les espaces verts et la circulation.
  • Développement très insuffisant (bien que comblé en partie depuis quinze ans grâce au budget à long terme alloué par Sharon) du réseau ferroviaire urbain et interurbain, qui encourage l'utilisation excessive de la voiture individuelle (créant des bouchons permanents et de la pollution) et la concentration de la population près de Tel-Aviv.
  • Énorme retard dans la mise en œuvre des économies d'énergie et des énergies renouvelables par rapport aux objectifs adoptés par le gouvernement israélien suite à l'adhésion d'Israël à l'OCDE et à l'Accord de Paris sur le climat. À ce jour, les énergies renouvelables (essentiellement le solaire photovoltaïque) ne fournissent que 3% de la production d'électricité, malgré l'ensoleillement dont jouit Israël.   

Conclusions provisoires

Du fait de sa densité et de sa croissance démographiques, l'environnement est devenu en Israël un aspect majeur de la vie quotidienne, au même titre que la sécurité et la situation économique et sociale. Comme cela s'est déjà produit dans la plupart des pays développés, le gouvernement et la Knesset devront désormais lui consacrer beaucoup plus de temps, de planification globale et à long terme… d’argent.


Publié le 29/03/2019


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