Portrait d’une femme forte qui, depuis la Palestine sous mandat britannique (yichouv), fut parachutée en Europe pour aider les Juifs et servir d’agent de liaison.
Lorsque l’Allemagne nazie décida de conquérir et d’asservir l’Europe et le monde, nombreux furent les hommes et les pays qui entreprirent de lui tenir tête. Le yichouv, c’est-à-dire l’État d’Israël avant sa création officielle en 1948, malgré ses faibles moyens, a contribué à cette lutte des hommes et des femmes libres contre l’oppresseur. Avec l’accord des Anglais, qui dirigeaient alors la Palestine, le chef de la Haganah, les soldats du futur Israël, Éliahou Golomb, ordonna de parachuter en Europe de l’Est occupée, notamment en Pologne et en Hongrie, de jeunes agents juifs qui seraient, une fois sur place, chargés de recueillir des renseignements sur l’état des communautés juives et d’organiser, localement, la résistance aux Allemands.
Nous sommes en 1943. Deux cent cinquante volontaires juifs de Palestine sont envoyés en Égypte où ils subissent un entraînement intensif avant leur mission. Parmi eux, Hannah Szenes. Cette toute jeune flle née en Hongrie une vingtaine d’années plus tôt, a fait son alyah en 1939. Après des études à l’école d’agriculture Nahalal, elle a rejoint le kibboutz Sdot Yam, près de Césarée. Elle n’hésite pas un instant quand Éliahou Golomb la choisit.
En mars 1944, revenue d’Égypte, nantie de faux papiers, de cartes géographiques de soie cousues dans la doublure de sa veste, d’une boussole miniature cachée dans un bouton, de rations de survie et d’un peu d’argent, elle est parachutée avec trois compagnons à la frontière entre la Yougoslavie et la Hongrie. Pendant plusieurs semaines, les quatre agents se dissimulent dans les bois.
Souvent, ils croisent des patrouilles allemandes. Le danger est partout. Hannah décide, avec deux Juifs hongrois et un Juif français, de passer la frontière et de pénétrer en Hongrie, son pays natal. Hélas, ils sont dénoncés par des paysans et immédiatement arrêtés. Dès lors, c’est le début de l’enfer : interrogatoires musclés et incessants. Fouettée, cravachée pendant des heures, Hannah est défigurée d’autant plus qu’on lui a brisé les dents une à une. Elle tente de se suicider. En vain. Puis on passe à une méthode psychologique en utilisant sa maman qui vit toujours à Budapest, la capitale de la Hongrie. La mère de Hannah est honteusement utilisée pour essayer de lui faire avouer et de donner le code de son poste émetteur. L’émotion entre la mère et la fille est à son comble. Trois mois durant, les deux femmes resteront côte à côte dans la terrible prison Margit Körot. Hannah Szenes tient bon et ne dit rien. Le 7 novembre 1944, conduite devant un peloton d’exécution, elle refuse qu’on lui bande les yeux. Trois coups de feu. Elle s’efondre.
Dans une lettre rédigée la veille de sa mort qui fut remise à sa mère, elle écrivait : « Chère maman, rien que ceci pour te remercier un million de fois et demander ton pardon. Si cela est possible. Toi seule peux comprendre pourquoi ces simples mots suffisent. L’amour est infini. Ta fille, Hannah. »
Publié le 02/11/2018