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La blague juive préférée

Ecrit par Karim-Hervé Benkamla

Karim-Hervé Benkamla est le vice-président de l’Amitié judéo-musulmane de France. Avec amusement, il se présente comme moitié arabe, moitié creusois. Il organise chaque année des rencontres entre Juifs et Musulmans, comme ce fut récemment le cas au sein de la synagogue de la rue Buffault avec une association musulmane du XVIIIe arrondissement de Paris. Il s’est prêté à l’exercice consistant à raconter à L’éclaireur ses blagues juives préférées. 


Deux me viennent à l’esprit. La première a mal vieilli et elle montre les effets du temps et de la mondialisation sur certains stéréotypes, qui sont datés. La voici : Les trois jours les plus importants du calendrier juif, c’est Roch Hachana, Kippour et le Salon du prêt-à-porter. Voilà une blague qui faisait bien rire, autrefois, quand certains Juifs prospéraient dans le Sentier. De nombreuses blagues, comme celles que raconte Popeck, sont liées à l’image du Juif faisant des affaires dans le textile. Mais les temps changent. La trilogie cinématographique La vérité si je mens ! de Thomas Gilou montre bien, d’ailleurs, les mutations du secteur.

En revanche, certains clichés demeurent même si les modalités évoluent. Comme par exemple l’image du Juif malin et bon dans les affaires. De nombreuses blagues jouent sur cette dimension. Quand elles sont racontées par les Juifs eux-mêmes, elles relèvent de l’autodérision. L’intention est plus équivoque quand ce n’est pas le cas : admiration ou ressentiment. Bref, la seconde blague à laquelle je songe est la suivante : Un père à l’article de la mort fait jurer à ses trois enfants d’honorer sa mémoire en déposant, le jour venu, de fortes sommes d’or sur sa sépulture. Quelques semaines plus tard, le père décède et est enterré. L’aîné vient déposer un lingot d’or scintillant sur la tombe, en souvenir du sens des affaires de son père et de sa réussite. Le cadet fait de même avec recueillement et dépose lui aussi un lingot. Le benjamin s’avance, récupère les deux lingots et les remplace par un chèque de la valeur équivalente à trois lingots, à l’ordre de son défunt père, chèque qu’il dépose religieusement sur la tombe et recouvre d’une pierre pour qu’il ne s’envole pas.

On sourit en imaginant le désarroi des deux frères et en pensant à ce coup pendable. Qui sait, d’ailleurs, si le père n’en serait pas fier et si sa propre malice n’a pas justement été la condition de son succès, ce en quoi le benjamin serait son fidèle héritier. Bien sûr, les blagues qui associent les Juifs à l’argent sont toujours oublieuses du contexte historique qui, parce que ces derniers, au Moyen Âge notamment, n’avaient pas le droit de posséder et de cultiver la terre, les a fait se tourner vers les métiers de la banque ou des affaires. Mais c’est surtout le culot, dont les Juifs font parfois montre, que semble souligner cette blague ou en tout cas ce que j’en retiens et qui m’amuse. Et j’ai d’ailleurs entendu la même histoire à propos des Auvergnats, des Chinois ou des habitants de Meknès. 

Publié le 04/01/2019


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