Les nouvelles technologies de l’information et de la communication offrent des possibilités jadis impensables (yéshivot virtuelles, enseignement à distance, etc.). Dans le monde francophone, le site Akadem joue un rôle fondamental sur le plan de la diffusion de la pensée juive. Son directeur a répondu aux questions de L’éclaireur.
Le « campus numérique juif » existe depuis 2006. Pourquoi ce nom : Akadem ?
Notre nom résume en effet en grande partie notre projet. Sa consonance avec « académie » et « académique » ne peut échapper à personne. L’ambition d’Akadem est en effet d’essayer de voir et de comprendre le monde à travers le prisme de la culture juive. Nous ne sommes pas un média d’actualité mais un média culturel sur l’actualité. Le terme vient également de l’hébreu qui veut dire « aller de l’avant », « innover ».
Certes, l’aspect innovant de notre site s’émousse un peu avec le temps ; mais il faut se souvenir que lorsque Akadem a été créé il n’y avait ni YouTube, ni Daily-Motion, ni Facebook. Diffuser de la vidéo sur Internet relevait un peu de l’utopie, a fortiori sur un téléphone... Aujourd’hui, c’est devenu une banalité. Il n’empêche que nous essayons toujours d’innover. Non plus tant par la technologie que par notre positionnement éditorial. Nous sommes plus que jamais une plateforme ouverte à tous et à tous les judaïsmes, ce qui est devenu de plus en plus rare dans le judaïsme français contemporain qui se morcèle et se cloisonne, de façon inquiétante, je trouve.
Cet idéal d’ouverture est un point que nous avons en commun avec les EI, auxquels, comme vous le savez, je suis génétiquement lié...
Akadem propose en ligne des milliers de conférences et de cours, abordant des aspects très variés de la culture juive. Combien de personnes touchez-vous et quel est leur profil ?
Il y a les chiffres, certes, et il y a leur lecture. Les chiffres sont impressionnants : 80 000 inscrits, 10 000 visites par jour en moyenne, 3 000 inscrits à l’Université, etc. Je pourrais vous abreuver encore longtemps de chiffres, Internet est diabolique de ce point de vue. Ce qui est plus intéressant, à mes yeux, c’est la qualité de ces internautes. Nous avons eu la chance de faire une enquête d’audience il y a moins de deux ans. Nous avons découvert des choses étonnantes. 25% de nos internautes ne sont pas juifs. 25% se déclarent « juifs de culture sans aucune pratique », 25% se déclarent « libéraux ou traditionalistes » et 25 % respectent strictement le chabbat. C’est dire que sur le même site cohabitent des non-Juifs et des Juifs orthodoxes. C’est une grande satisfaction. De la même manière, c’est avec plaisir que nous avons été sollicités coup sur coup, il y a peu, par des journalistes protestants qui souhaitaient créer un campus numérique protestant et la Fondation de l’Islam de France qui réfléchit à un Akadem musulman... Akadem fait école et nous ne pouvons que nous en féliciter.
Peut-on dire que les nouvelles technologies que vous utilisez révolutionnent les modalités de la transmission ou bien, au contraire, y a-t-il dans le fonctionnement d’Akadem quelque chose qui reflète le rapport traditionnel du judaïsme à l’étude ?
La réponse est dans votre question. Akadem est assurément un outil exceptionnel de transmission. Il s’adresse à des gens qui sont éloignés du judaïsme. Physiquement : je pense aux milliers de Juifs qui vivent loin des grandes métropoles. Je songe également aux Juifs qui sont mentalement loin des synagogues ou des centres communautaires et qui découvrent ou redécouvrent dans le secret de leur consultation Internet leurs racines juives. Je pense également aux dizaines de milliers d’expatriés qui gardent un lien culturel fort avec la France et la langue française. Je pense enfin aux 700 000 locuteurs francophones vivant en Israël dont beaucoup ne maîtrisent pas encore suffisamment l’hébreu pour profiter des ressources locales.
Mais dans le même temps Akadem remet au goût du jour l’enseignement le plus traditionnel en proposant, par exemple, un exercice millénaire comme le commentaire de la paracha. Il me semble donc qu’Akadem s’inscrit dans la tradition la plus classique de l’étude, mais ouvre celle-ci à une audience entièrement nouvelle.
Pouvez-vous nous dire quelques mots des sites associés à Akadem et des projets en cours ?
Akadem a en effet développé nombre d’outils pédagogiques pour l’éducation juive. Tout d’abord Sefarim, qui fut la première édition « cachère » du Tanakh. Je dis « cachère » parce que, jusque-là, seules étaient accessibles en ligne des traductions catholiques ou protestantes de l’Ancien Testament. Chaque jour, plus de 2 000 étudiants se connectent sur le site. Nous avons ensuite produit une base de données pour les enseignants des écoles juives, Melamed, qui fournit à près de 5 000 d’entre eux des dossiers pédagogiques et des fiches de cours. Toumanitou, que nous avons développé ensuite, est une sonothèque proposant plusieurs centaines d’heures de cours du rabbin Léon Askénazi.
Quant aux projets, ils sont naturellementnombreux. C’est même ce qui nous anime et nous stimule. Mais, comme vous le savez, il n’est pas de bon augure d’annoncer les grossesses avant le troisième mois... laissons donc les gestations se faire.
Merci pour cet entretien.
Publié le 25/01/2019