Numéro 12 - Retour au sommaire

"L'eclaireur n'a qu'une parole"

Ecrit par Alain Michel - Historien

S O I S C H I C

Lettre à un jeune Juif

Mon cher jeune ami,

Ne t’étonne pas de recevoir une longue lettre de moi que tu ne connais même pas. Nous ne nous sommes jamais vus et qui sait si un jour nous nous rencontrerons…

Ne t’étonne pas de recevoir cette lettre car dans la vie il faut toujours s’attendre à recevoir un appel de dehors, si, au-dedans de soi, on fait taire sa conscience.

Quand on m’a dit, mon cher jeune frère, que tu allais tranquillement te confesser à un prêtre catholique pour ne pas attirer l’attention sur toi, je me suis demandé si tu avais une conscience.

Conscience de Juif, tout d’abord.

Pour l’avoir éprouvé dans ton propre destin, tu sais que notre communauté juive souffre et que nous avons sombré dans un gouffre de malheur. Qui nous tirera de là sinon nous-mêmes, jeunes Juifs ? Quand le jour de la délivrance sonnera, de nos propres forces nous devrons nous redresser. En attendant, cachés et soignés par des amis généreux, compréhensifs et fraternels, nous devons nous préparer à nos futures actions de sauvetage. Comment nous y préparer ? En n’oubliant pas que nous appartenons à la famille juive, en cherchant à connaître notre judaïsme, et surtout en restant des hommes intègres, honnêtes, droits, forts et courageux. Ou crois-tu que nous mériterions l’estime des autres et un meilleur destin par la lâcheté, les mensonges et les petites combines ?

Conscience d’un bon fils, ensuite. Aurais-tu déjà oublié tes parents qui, si Dieu leur a prêté vie, ne supportent leurs souffrances actuelles qu’avec l’espoir de retrouver – un jour prochain je l’espère – leur fils. T’imagines-tu la peine que tu leur fais s’ils retrouvent un traître ou un menteur ? Car tu t’es engagé sur une pente où tu seras irrésistiblement entraîné, soit vers le parjure soit vers le mensonge. Et seule ta conscience d’homme, ta conscience tout court saura t’arrêter.

Essaie de comprendre, mon grand, qu’il y a une différence entre tout ce réseau de non-vérités matérielles dans lequel nous sommes entissés – parce qu’une législation d’injustice et de brutalité nous y force – et un mensonge qu’on dirait à un ami, ou même à Dieu. Or tu mens à Dieu. Tu abuses de la religion, tu réduis la religion à une simple formalité à laquelle on peut hypocritement adhérer sans ferveur ni sincérité, sans y penser, sans y croire le premier mot.

Écoute-moi bien. Tu as deux possibilités pour cesser ton jeu dangereux. L’une c’est de dire carrément samedi prochain à ton curé QUI TU ES et que tu es las de continuer ce mensonge. Tu lui demanderas de garder le secret et de t’aider à rester un bon Juif. S’il est intelligent et bon, il t’aidera.

Ou bien n’y va plus. On n’a jamais pu ni voulu forcer la conscience d’un jeune garçon. Dis que cela ne te plaît plus si tu ne veux pas donner la vraie explication. Et, en somme, tu peux changer de place. L’assistante qui te porte cette lettre te conseillera.

En attendant, je te demande de sentir dans ce message l’appel du judaïsme tout entier : tous les Juifs qui restent encore te tendent la main, tous ensemble nous rebâtirons, nous referons notre peuple, nous revivrons librement notre religion, bientôt, dans un monde pacifié. Mais il n’y aura pas de lâche parmi nous.

CHALOM (paix) et ‘HAZAK (courage) !!

LÉO

Publié le 29/08/2021


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