Marc-Olivier Fogiel, dans ce numéro de L’éclaireur nous nous interrogeons sur la notion de vérité. Comment démêler le vrai du faux au milieu d’un torrent d’informations ?
Le métier de journaliste consiste, aujourd’hui comme hier, à rechercher l’information sans tomber dans les fake news ni se laisser influencer par des personnes semant délibérément le trouble. Pour ce faire, il faut chercher des bases solides pour chaque fait rapporté, recouper les informations et multiplier les sources. Les fake news, surtout quand elles sont relayées par les réseaux sociaux, créent une certaine « ambiance » à laquelle le journaliste doit savoir résister sans jamais prendre pour argent comptant ce qui est dit, grâce à son travail d’investigation. Le journaliste cherche la vérité et se méfie des fausses informations diffusées à dessein par certains.
À titre personnel, quelle est votre ligne de conduite pour vous informer ?
Je parcours toute la presse écrite, le soir en me couchant et le matin au réveil. J’écoute la radio et je regarde BFMTV.
Les médias télévisés ont-ils encore un avenir face aux réseaux sociaux ? Ces derniers représentent-ils selon vous un danger quant à la qualité de l’information ?
La participation aux réseaux sociaux ne constitue pas un métier en soi. Ces réseaux ne sont pas un média mais un énorme canal d’expression où tout le monde peut dire tout et n’importe quoi. Dans ce « tout », il peut y avoir de l’information aussi bien que des erreurs, voire des contrevérités d’inspiration complotiste. Ils ne représentent donc un danger que si on prend ce qui y est dit pour la vérité absolue. Mais la plupart des utilisateurs sont lucides et savent bien faire la part des choses.
De plus en plus souvent, des réseaux sociaux censurent, au nom du « politiquement correct », certains discours, y compris ceux d’hommes politiques ; on se souvient que le compte de l’ex-président américain Donald Trump avait été supprimé par Twitter. Est-ce leur rôle ? N’est-ce pas un frein à la liberté d’expression ?
Ce n’était pas du « politiquement correct » mais une façon d’éviter de la violence. De ce point de vue-là, je trouve que c’est une attitude responsable. Je comprends que cela fasse débat, mais il me semble que c’est légitime, car un tweet, surtout venant d’un compte très suivi, peut alimenter une violence. Ici, on n’agit pas au nom de la vérité mais au nom de la responsabilité. Responsabilité qui est à la mesure de la très grande audience d’un réseau social. Un appel à la haine ou à la violence, le fait de mettre sciemment « de l’huile sur le feu » comme dans l’exemple que vous évoquez, ne peuvent être relayés sans engager la responsabilité morale du réseau social. Limiter la violence fait partie de ses responsabilités. C’est l’impact de ce qui est écrit qui doit être pris en compte et non sa véracité ou sa fausseté.
L’existence de chaînes publiques de radio ou de télévision ou le fait que certains médias soient rachetés par de grands groupes parfois liés à des États étrangers ne présente-t-il pas un risque de partialité de l’information ?
Pourquoi le fait qu’un média appartienne à un grand groupe poserait problème ? Tant qu’il y a une charte de déontologie et qu’on laisse les journalistes faire leur travail de façon autonome et critique, cela ne pose aucun souci.
L’appartenance à un État ne pose problème que pour certains États. Si le média appartient à une dictature, cela devient compliqué. Mais une chaîne publique dans un État démocratique, comme Radio France ou France Télévisions, est complètement libre.
Bref, cela dépend de l’État dont on parle. Les journalistes de la BBC sont exemplaires, mais la chaîne RT France, qui appartient à la Russie, est plus problématique. Ce dernier exemple est l’exception, pas la règle.
Faire de l’information coûte très cher – et c’est ce qui en fait la vertu et la valeur – et donc quand cet argent est bien utilisé dans un cadre déontologique précis, ce qui est le cas à 99%, les moyens financiers mis en œuvre garantissent au contraire la qualité de l’information.
On a parfois reproché à BFMTV de faire de « l’information-spectacle ». Que répondez-vous à ces critiques ?
C’est la rançon du succès ! Quand on est un média leader, on encaisse les critiques adressées à toute la profession. On critiquait jadis le Journal de 20 heures de TF1 parce qu’il était leader et qu’il cristallisait dans l’esprit des critiques tous les maux du journalisme. Aujourd’hui, c’est BFMTV.
C’est une chaîne, pas une émission, donc l’information y est forcément répétitive (pour qu’on puisse l’avoir à n’importe quel moment de la journée). Mais quand on regarde la réalité de l’information que nous proposons – grâce aux 350 journalistes et une information vérifiée à chaque instant –, on constate une rigueur journalistique qui fait que BFM est devenu l’un des principaux médias français.
Si l’antisémitisme et l’antisionisme sont difficilement contrôlables sur les réseaux sociaux (on songe à ce qui est arrivé récemment à la première dauphine de Miss France), on a l’impression que les médias traditionnels sont moins partiaux qu’autrefois concernant Israël. Durant la crise sanitaire, l’État hébreu a souvent été évoqué (de façon neutre ou admirative) pour sa gestion de la campagne de vaccination. Partagez-vous ce constat ?
Ce que vous dites est bien la preuve qu’il n’y a pas d’hostilité « de principe » des médias à l’égard d’Israël. Il y a un regard porté sur le conflit israélo-palestinien, quoi qu’on pense du conflit lui-même, qui est lié à sa complexité et qui ne modifie en rien le traitement des autres événements se passant en Israël. Je rejette l’idée qu’il y aurait un traitement spécifique d’Israël dans les médias traditionnels et un a priori hostile. Je ne crois pas du tout à l’idée d’un prisme idéologique dans le traitement de ce qui se passe en Israël. Et donc l’image d’Israël n’a pas changé récemment (du fait du traitement de la crise sanitaire, par exemple). Quel que soit le contexte, le traitement de l’information me semble objectif dans les médias traditionnels.
Publié le 20/06/2021