אמת Émèt
La vérité (émèt), c’est ce qui est conforme à la réalité, ce dont l’apparence est en adéquation avec l’essence (le mot amat, qui s’écrit avec les mêmes lettres, désigne le vérificateur des poids et des mesures).
Émèt commence par la première lettre (aleph, dont la valeur numérique est 1) et finit par la dernière (tav, dont la valeur numérique est 400) pour signifier qu’une même vérité regorge d’éléments innombrables : toute connaissance digne de ce nom doit articuler le simple et le complexe, l’un et le multiple.
Une demi-vérité ou une vérité simplifiée est mortifère et, privé de sa première lettre, le mot devient mèt, « la mort » (comme dans l’histoire du golem de Prague, porteur sur son front du mot émèt, qui fut neutralisé par l’effacement du aleph).
שקר Chékèr
Le mensonge exprime intentionnellement le contraire de la vérité. La Tora condamne sévèrement les faux témoins (עדי שקר).
Les lettres de chékèr forment aussi le mot siker qui signifie « lancer des œillades » (clin d’œil complice du tricheur) ou encore « maquiller », « farder ».
Tandis que les lettres du mot émèt sont dans l'ordre de l'alphabet, celles du mot chékèr sont en désordre (comme celui que provoque le mensonge qui ne tient pas compte de « l’ordre des choses »).
Le mensonge se dit aussi כזב kazav, qu’on retrouve dans des mots comme léhitakhzev, « être déçu », ou akhzav, « occasionnel » (on oppose ainsi le torrent permanent au na’hal akhzav, le torrent occasionnel. Le lieu biblique de Kéziv (Genèse 38,5) est associé à la tromperie (Rachi), à ce « qui ne coule pas droit ». Bref, le mensonge déçoit, assèche, déroute.
טעות Taout
La vérité s’oppose au mensonge mais aussi à l’erreur, taout. Ce terme désigne également l’égarement, voire le fourvoiement. Par homonymie, il évoque le fait de ne pas trouver son chemin (comme en Genèse 37,15 : וְהִנֵּה תֹעֶה בַּשָּׂדֶה, « il errait dans le champ »).
L’erreur n’est généralement pas intentionnelle, même si le Talmud explique qu’on peut tromper les autres tout comme on peut se complaire dans l’erreur qui nous arrange. Les sages rapprochent ce mot de taav, « l’abomination », comme s’il fallait tenir en horreur l’éloignement de la vérité.
מחלוקת Ma’hloket
La ma’hloket (controverse), valorisée par le Talmud lorsqu’elle est motivée par la quête de vérité (à la différence de la querelle partisane), dérive du nom ‘helek, une partie : chacun devant se considérer comme n’étant détenteur que d’une partie (un aspect) de la vérité, qui sera complétée par le point de vue de l’autre.
Le Talmud (Avot 5,17) enseigne : « Toute controverse qui a pour but le nom des cieux (qui est désintéressée) finit par se réaliser. » Comment comprendre cet enseignement ? Que signifie qu’une controverse « se réalise » ? Pour l’un des commentateurs traditionnels, rabbi Ovadia de Barténora (XVe siècle), la controverse permet à la vérité de jaillir : les arguments et contre-arguments des protagonistes permettent d’aboutir à une solution consensuelle, admise même par celui dont l’avis a été rejeté au terme d’un débat argumenté. Mais c’est une tout autre lecture de ce texte que suggère rabbénou Yona (XIIIe siècle). Selon lui, la réalisation de la controverse signifie sa pérennisation, son maintien permanent : car ce qui caractérise une « controverse au nom des cieux », c’est qu’elle oppose deux visions du monde légitimes. L’une n’a pas à s’effacer devant l’autre puisqu’elles ont toutes deux leur place. C’est pourquoi elle perdure de manière féconde.
La ma’hloket n’est hélas pas toujours motivée par la recherche de la vérité. Ainsi, le Talmud, après avoir fait l’éloge des débats opposant Hillel et Chamaï, évoque le contre-exemple de Kora’h, grand adversaire de Moïse (voir Nombres 16) qui cherchait querelle par jalousie et soif de pouvoir.
Publié le 07/06/2021