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Les confidences de Raphy Bensimon

Ecrit par Propos recueillis par Karen Allali

Raphy Bensimon, vous avez été un modèle pour de nombreux cadres communautaires. Et pour vous, quels sont les modèles qui ont influencé votre vocation ou votre action ?

Sans fausse modestie, je suis le premier surpris d’être considéré comme un modèle. Mais c’est un fait : j’ai visiblement marqué durablement un certain nombre de personnes, en France et en Israël. Un jour, le rabbin Haïk de la synagogue Chasseloup-Laubat demanda à me rencontrer. « Dès que je célèbre un mariage, me dit-il, les futurs époux me parlent de vous et de l’influence qui vous avez eue sur eux. » Un fidèle de cette synagogue me dit m’a déclaré : « J’ai participé il y a trente ans à un stage pour directeurs de colonie où vous faisiez un exposé et, après cela, j’ai décidé de changer de métier. » Je suis tombé des nues (je ne me souviens même plus avoir participé à ce séminaire !). Et cette fois où, tandis que je suis dans un avion d’El Al, une femme me dit : « Vous ne me connaissez pas mais sachez que moi, je vous bénis tous les vendredis soir car, grâce à vous, mes deux fils qui ont fréquenté les CCVL sont restés fidèles au judaïsme et ont épousé des femmes juives. » Je vous raconte tout cela pour vous dire qu’on exerce parfois une grande influence sur les gens sans en avoir l’intention ni la conscience. En tout cas, lorsqu’on se donne à fond, ce qui a été mon cas notamment comme chef E.I. – et tant pis si je vous semble prétentieux. Il y a toujours une certaine aura du chef. J’utilise ce mot qui n’a plus cours aux E.I. puisque vous parlez désormais d’animateurs ou de moniteurs.

Pour vous répondre, plusieurs personnes ont eu une grande influence sur moi et m’ont fait grande impression. Quand j’avais 20 ans, j’étais jeune chef aux E.I. du Maroc et, avec Jean-Paul Amoyelle, nous avons été sélectionnés en 1950 pour participer à un camp de formation organisé par les scouts unionistes. C’était à l’époque tout un périple pour aller en France (train, bateau et train à nouveau). Le chabbat arrivant, nous avons été rejoints par le rabbin Léon Ashkénazi qui nous a dit se faire appeler « Manitou » aux E.I. Quel chabbat mémorable ! J’ai été épaté par cet homme érudit mais accessible, qui nous a fait passer un formidable chabbat. Je suis resté très proche de lui jusqu’à sa disparition. J’ai également rencontré Henri Atlan, à l’occasion de séminaires d’études juives qu’il animait aux E.I. Ce jeune médecin qui jouait de la guitare nous a époustouflés par ses connaissances. J’ai aussi eu la chance de rencontrer Robert Munich qui m’a marqué par sa fidélité au mouvement : il a suivi toutes les équipes du QG des E.I. jusqu’à la fin de sa vie.

J’ai aussi eu la chance de connaître Jacques Pulver, l’un des cadres historiques des E.I., qui m’a convaincu de quitter l’enseignement (j’étais professeur de mathématiques) pour m’engager dans la communauté. « Des professeurs, il y en a des milliers ! » Je me suis mis en disponibilité pour un an. Puis deux. Et, finalement, je n’ai jamais enseigné. 

J’ai aussi rencontré le grand rabbin Henri Schilli, qui fut un temps l’aumônier du mouvement. Le jeune Marocain que j’étais redoutait un peu cette visite solennelle à une autorité d’envergure. Mais il m’a immédiatement mis à l’aise, me demandant de le tutoyer. Une grande sérénité, un grand calme et beaucoup de douceur émanaient de lui. Je voudrais aussi mentionner Marguerite Klein, la veuve du rabbin Samy Klein, qui fut aumônier des E.I., pour qui j’ai une grande affection. Médecin très engagée, elle incarnait la douceur et faisait tout pour éviter les conflits. Enfin, la pensée d’Edmond Fleg, auteur prolifique, a eu sur moi comme sur tant d’autres une grande influence.

Toutes ces personnes ont été pour moi, chacune à sa façon, un modèle d’engagement, de leadership et de cordialité.

 

Vos enfants sont eux-mêmes très engagés dans la communauté. On remarque souvent que cette « fibre communautaire » se transmet de parents à enfants. Êtes-vous d’accord avec ce constat ?

C’est très souvent le cas et c’est un fait que les gens engagés ont souvent hérité d’une telle fibre et d’un modèle parental en la matière. Mais ce n’est pas systématique. Lorsque je travaillais à l’AUJF, j’ai rencontré les héritiers de riches donateurs décédés. Soit ils me disaient que ce qu’avaient fait leurs parents ne les concernait pas (car ils n’avaient pas été associés par leurs parents à leur action) et qu’ils ne continueraient pas à soutenir la communauté, soit, au contraire, il était évident pour eux qu’ils poursuivraient dans la même voie. Un jour, Guy de Rothschild m’a dit qu’un Rothschild a deux vies : la sienne propre et celle d’un membre de cette famille de philanthropes au sein de laquelle on lui a fixé trois objectifs : la banque, l’hippisme et la communauté. Je lui ai raconté une histoire : quand Ben Gourion, à la création d’Israël, sollicita les conseils de Léon Blum, celui-ci lui répondit : « Je suis d’abord socialiste, puis français et enfin israélite. » Ce à quoi Ben Gourion a répondu que, comme en hébreu on lit de gauche à droite, l’attachement au judaïsme passait en premier ! Et cela a été le cas dans ma vie et dans celle des personnes modèles dont je vous ai parlé. 

 

 

Publié le 30/04/2021


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