Numéro 11 - Retour au sommaire

Les confidences de Gabriel Fahri

Ecrit par Propos recueillis par Karen Allali

Gabriel Farhi, quels ont été vos modèles, influençant votre vocation et votre action ? 

Bien entendu mon père, le rabbin Daniel Farhi en tout premier lieu. Outre « l’image du père », c’est celle d’un rabbin que j’ai pu suivre au quotidien. J’étais impressionné par sa capacité à accompagner dans une même journée une famille en deuil, des futurs mariés, des parents qui venaient d’avoir un enfant, à visiter des malades pour terminer par une réunion à la synagogue. D’autres figures ont compté pour moi. Colette Kessler z’l, qui dirigeait l’enseignement du Talmud-Tora à Copernic puis au MJLF. Un jour, alors que j’avais les plus grandes difficultés à me préparer au baccalauréat, elle m’a dit « Finis-en avec ça et deviens rabbin ». Et puis il y a eu indirectement Manitou z’l, dont je suivais les conférences à la Grande Synagogue de Jérusalem, la rigueur, l’érudition, la clarté et… l’esprit E.I. bien sûr. 

 

Dans la Tora, les grandes valeurs sont incarnées par différents personnages. Peut-on se construire sans modèles ?

Les personnages bibliques sont une source d’inspiration à des moments différents de la vie. La lecture de Kohélet par exemple n’a pas la même résonance pour un adolescent que pour un adulte ou une personne au crépuscule de sa vie. L’hospitalité d’Abraham ou l’humilité de Moïse sont certes des modèles, mais ces personnages ne sont-ils pas à ce point écrasants que nous pensons ne pouvoir les prendre en référence ? Ce sont les défauts ou les erreurs de ces grands personnages qui me touchent le plus, c’est dans leurs faiblesses que je peux m’identifier à eux. Job qui s’interroge sur la souffrance des justes ou la prospérité des méchants m’accompagne dans ma pratique hospitalière. 

 

Il nous semble que la jeunesse – y compris la jeunesse juive – traverse une « crise des modèles », se référant davantage à des stars de la télé-réalité qu’à des figures incarnant les grandes valeurs de notre tradition. Partagez-vous ce constat ?

Notre jeunesse est la génération du « like » ou du nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux à l’instar des « stars de la télé-réalité ». J’observe que nos jeunes sont davantage sensibles encore lorsque ces « stars » de la télé-réalité sont juives, comme récemment cette jeune Rébecca dans The Voice Kids. C’est donc une identification sélective qui se mêle d’une fierté. J’arrive à comprendre parfaitement qu’un jeune soit plus sensible au chant de Rébecca qu’à celui de Hannah dans la Bible ! Le défi de l’éducation juive contemporaine est de rendre accessibles nos textes en les faisant parler aujourd’hui. Hannah n’aurait peut-être pas gagné la finale de The Voice mais Dieu a été sensible à la sincérité et à l’émotion de sa prière, et c’est probablement ce que les téléspectateurs ont ressenti en votant pour Rébecca. 

 

 

 

 

* Le rabbin Gabriel Farhi est le guide spirituel de l’AJTM, l’une des communautés libérales de Paris. Fils du rabbin Daniel Farhi, il est aumônier des hôpitaux de Paris et chroniqueur sur Judaïques FM.

 

Publié le 26/03/2021


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