La Finlande, c'est le Grand Nord, la Laponie… Il y avait historiquement peu de chances que des communautés juives s'installent un jour dans ce pays. C'est la situation des Juifs en Russie qui va conduire plusieurs milliers d’entre eux à choisir la Finlande.
À l'époque, en 1825, le tsar Nicolas Ier, dès le début de son règne, se montre très malveillant à l'égard de ses sujets juifs. Les Juifs de Russie, déjà astreints à être confinés dans une « zone de résidence », voient littéralement tomber sur leur tête l'oukase du 26 août 1827 qui impose aux jeunes Juifs, jusqu'ici dispensés moyennant un impôt spécial, une conscription de 25 ans. Pour contraindre les Juifs à l'assimilation, pour éradiquer les sentiments familiaux et pour faire éclater les structures religieuses, les jeunes gens juifs sont arrachés à leur famille par des « happeurs », des kidnappeurs, parfois dès l'âge de 8 ans, pour être logés dans des familles chrétiennes, loin du respect des prescriptions alimentaires de la casheroute et poussés à la conversion. On peut comprendre, dès lors, que des familles aient choisi de s'exiler dans la Finlande voisine. Certains historiens considèrent néanmoins qu'il y avait déjà, sur place, une petite communauté, notamment parce que si l'installation de Juifs fut longtemps interdite en Finlande, le passage temporaire était, lui, autorisé. On a ainsi gardé la trace du passage à Helsinki, en 1782, de trois chansonniers portugais juifs, Josef Lazarus, Meijer Isaac et Pimo Zelig, ainsi que d'un prestidigitateur, Michel Marcus.
On mentionne également la présence dans la ville d'Hamina, en 1790, d'un Juif, Jacob Weikaïm, dont les descendants s’établirent plus tard à Vyborg. De nombreux Juifs convertis purent s’installer dans le pays par ailleurs.
Lors de la grève générale de 1905, un Juif de Vyborg, Santeri Jacobsson, prit la tête d'un mouvement de revendications des droits civiques pour les Juifs, créa une « Ligue des droits des Juifs de Finlande » et lança même un journal.
Il faudra cependant attendre le 1er janvier 1918 pour voir les Juifs finlandais traités en citoyens égaux.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement finlandais, bien que le pays fût l'allié de l'Allemagne, résista aux pressions allemandes et ne livra aucun Juif aux nazis. La situation des réfugiés juifs, environ cinq cents, venus de pays d'Europe fut plus délicate. Huit Juifs dont deux enfants furent refoulés en Estonie et déportés à Auschwitz. Après la guerre, le Premier ministre finlandais Paavo Lipponen présenta les excuses de son gouvernement pour cette extradition meurtrière.
La Finlande a reconnu l'État d'Israël de facto en juin 1948 et entretient depuis de bonnes relations avec l'État juif, notamment dans les domaines culturel et scientifique. Notons d'ailleurs que 29 Juifs finlandais ont participé à la guerre d'Indépendance d'Israël.
Le recensement de 1983 dénombrait 1200 Juifs en Finlande, 900 à Helsinki, 280 à Turku et 20 à Tampere. Des synagogues ont été érigées à Helsinki et à Turku, des écoles et des jardins d’enfants fonctionnent ainsi que des mouvements de jeunesse. On notait déjà, à cette époque, un nombre important de mariages mixtes. Il est cependant courant que les garçons, nés de couples mixtes, soient circoncis.
Signalons qu'en 1994 une exposition intitulée « Les Juifs de Finlande » a été proposée à Paris dans les locaux de l'Institut finlandais. Une autre a eu lieu en 2006 au Beth Hatefutsoth de Tel- Aviv.
Plus près de nous, en 2012, avec la montée d'un certain antisémitisme, des responsables communautaires ont suggéré aux Juifs pratiquants de ne pas porter la kippa en public. Cela a provoqué un véritable tollé que le président de la communauté, Yaron Nadbornik, a eu du mal à contenir. En octobre 2013, le journal gratuit « Magneettimedia » a été condamné par la justice finlandaise pour des articles à caractère antisémite.
De nos jours, on compte environ 1 400 Juifs dans le pays. Le grand rabbin Simon Livson est originaire d'Israël.
Petite anecdote : en 2015, quatre Israéliens, Amir Weil, Aviad Scheibitz, Assaf Giler et Moti Shemtovi, ont acheté une île finlandaise, Petäjäsaari. Il y a en Finlande 188 000 îles, mais l'affaire a fait grand bruit. Par ailleurs, plusieurs Israéliens ont choisi de s’installer dans différentes villes de Finlande.
En 2020, l'histoire des Juifs et de la Finlande continue de s'écrire sous nos yeux.
Publié le 13/10/2020