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Ces initiatives qui donnent espoir

Ecrit par Lise BENKEMOUN - Journaliste à I24News

« Toujours prêts », voilà une devise qui correspond parfaitement à la mentalité israélienne. Et en premier lieu à sa célèbre armée. Ainsi, Tsahal se prépare à toutes les éventualités et organise régulièrement des exercices grandeur nature où elle simule des scénarios catastrophe de guerre sur plusieurs fronts en même temps. Parallèlement, l’armée israélienne améliore son arsenal à la fois défensif et offensif au gré des menaces avérées ou supposées en utilisant les dernières nouveautés technologiques à sa disposition, quitte à essuyer les plâtres. Ainsi cette année, elle a fabriqué un laser pour atteindre les ballons incendiaires et autres drones chargés de l’atteindre sans confrontation humaine. Pendant ce temps, elle a également amélioré ses avions, ses tanks, créé deux nouvelles unités qui travaillent de manière plus transversale, infiltré le haut commandement du Hamas et lancé avec succès un nouveau satellite, Ofek 16, pour rester à la pointe du renseignement. Car le secret de Tsahal n’est pas d’être la meilleure armée du monde, c’est surtout d’être celle qui est toujours sur le qui-vive. Qui est au courant de tout et a donc toujours un coup d’avance, ainsi qu’une stratégie au cas où… 

C’est sur ce même modèle que fonctionne également le tissu des entreprises high-tech de la start-up nation. En Israël on ne vend pas seulement ce qui marche en 2020, on tente d’y produire ce qui va marcher à l’avenir, pour être prêts, le moment venu. C’est ainsi qu’il y a plus de dix ans, sous l’impulsion de plusieurs scientifiques et entrepreneurs engagés, le gouvernement et le pays entraient dans le XXIe siècle en lançant les premiers programmes de cybersécurité. Notamment en mettant à profit les petits génies de l’unité 8200, spécialisée dans les ordinateurs et le piratage. Puis en tentant de dénicher dès l’école primaire les futurs cerveaux qui combattront les ennemis d’Israël avec leur clavier. Résultat : aujourd’hui, le monde entier paie les conseils des sociétés israéliennes dès qu’il s’agit de contrer des cyberattaques, d’organiser la cybersécurité et même de débusquer l’espionnage industriel. À l’époque où Israël a démarré ses programmes, la menace ne semblait pourtant pas si grande. Mais aujourd’hui on voit bien que contre l’Iran, par exemple, la guerre se joue aussi sur ce terrain. Même contre la Covid-19, l’État hébreu a utilisé l’infrastructure du Shabak (les services de sécurité intérieure) et a été parmi les premiers pays à autoriser la géolocalisation des malades pour pouvoir les isoler. 

Malgré cette capacité d’innovation et de prévision, cette fois pourtant, on a l’impression qu’Israël a été surpris par la crise de Covid-19. Que faire face à un ennemi mortel, petit, sournois, coriace et par-dessus tout inconnu ? Israël s’en est d’abord très bien tiré, en fermant ses frontières très tôt. Et en imposant le confinement total à une population très disciplinée, qui n’a pas cherché à sortir. Le tout en faisant porter des masques à un maximum de gens, quand la France en manquait cruellement. Et en organisant prise de température, télétravail et en recourant au gel hydroalcoolique à tout-va. On était sur le pont pour freiner les dégâts. Même le Mossad a mis à profit ses contacts à l’étranger pour importer masques et respirateurs du monde entier. La cellule innovation d’Israël Aerospace Industries, qui d’ordinaire s’occupe de missiles, a de son côté développé un modèle basé sur l’intelligence artificielle capable de prévoir la dégradation de l’état de santé des malades. Mais ne crions pas victoire trop vite. Comme le disait Thiers, « gouverner c’est prévoir »… Et si Benyamin Netanyahou pouvait se féliciter de sa gestion de crise – saluée fièrement (à peine 300 morts) jusqu’en mai dernier, –  il a péché ensuite par excès de confiance ou manque de préparation, allez savoir ! Et une deuxième vague de Covid-19, puissante, a pris le pays de court ! Certains, notamment dans Tsahal, avaient pourtant conseillé au Premier ministre de préparer un plan de déconfinement quasi militaire, par tranches d’âge et secteurs économiques. Mais, sans doute pressé par la nécessité économique, le ras-le-bol des citoyens et les enjeux politiques, Israël a rapidement et simultanément rouvert écoles, commerces, bars, restaurants et plages quasiment. Erreur fatale, que Netanyahou lui-même a reconnue à demi-mot mi-juillet… Car à cette période, malgré ou à cause de la multiplication des tests, on est passés de quelques dizaines de nouveaux cas par jour à plus de 1300 ! 

Un chiffre qui fait d’Israël l’un des pays où le nombre hebdomadaire de cas est le plus élevé au monde. S’il devait atteindre 2000 personnes par jour, l’État se verrait contraint de recourir à un nouveau confinement national avec des conséquences économiques et financières désastreuses pour la plupart des habitants. Des habitants qui étaient sereins la première fois, mais qui, la seconde, n’ont pas l’impression du tout que leur gouvernement ait prévu quoi que ce soit. Mesures annoncées dans un sens. Marche arrière. Manifestations. Nouveau plan économique par-ci, subventions par-là, il semble que la seconde vague a bel et bien chamboulé le pays qui prévoit tout. 

Cette situation rouvre également les fractures de la société israélienne, et plus particuièrement celle avec les orthodoxes, qui se sentent stigmatisés. Lors de la première vague, les quartiers religieux, de Bnei Brak notamment, s’étaient retrouvés en confinement total. Cette fois, aucune ville entière n’est confinée mais plusieurs d’entre elles, celles à forte population orthodoxe, ont des quartiers en périmètre restreint, comme à Jérusalem. Critiquant la manière dont les autorités ont géré l’épidémie actuelle et décrivant une approche chaotique et inefficace pour faire face à la crise, la directrice de la Santé publique du ministère de la Santé, la professeure Sigal Sadetzki, a même donné sa démission et averti sur Facebook qu'« Israël se dirige vers une situation dangereuse ». Alors, que faire ? Recourir à nouveau à l’armée. Et à l’intelligence ! Une bonne centaine de réservistes ont ainsi été appelés en renfort et affectés dans les services Covid des hôpitaux et trois nouveaux hôtels de confinement gérés par Tsahal ont ouvert leurs portes. Le créateur du Dôme de Fer planche actuellement sur des tests, des respirateurs, et toute autre tentative qui pourrait résoudre la crise.  

Autre bonne nouvelle dans cet océan d’ennuis, deux études semblent déterminer que la seconde vague en question est beaucoup moins meurtrière que la première. Ainsi, selon le professeur Sprecher du Sourasky Medical Center de Tel-Aviv, un malade a 50 % moins de risque de se retrouver dans un état grave cette fois-ci que lors de la première vague. Reste que cela ne console pas les Israéliens, épuisés par plusieurs mois de combat incessant contre le virus. Résultat, entre les 21 % de chômage, un taux inédit pour l’État hébreu, la faillite potentielle ou la privatisation emblématique d’El Al, la grogne sociale et un secteur du tourisme extrêmement affaibli, on ne voit pas bien comment Israël va sortir de cette crise. À moins que l’État aux 1001 idées ne trouve le vaccin, ou n’applique un scénario inédit et audacieux dont il a le secret.

   

 

Publié le 18/10/2020


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