Qui aurait pu prévoir cette crise de Covid et les conséquences gigantesques qu’elle provoquerait ? Pas grand monde probablement, mais Nassim Nicholas Taleb, l’auteur du Cygne noir, nous avait en revanche prévenus : les prévisionnistes sont des escrocs. La complexité du monde globalisé est telle, les interactions entre agents sont si variées, les biais cognitifs si présents, qu’il est impossible de prévoir sérieusement l’avenir. Que faire alors ? Comment devenir « anti-fragile », c’est-à-dire immunisés contre la fragilité et protégés contre ces événements imprévisibles mais disposant d’un fort pouvoir de nuisance ? L’histoire du peuple juif, avec sa légendaire capacité d’adaptation, peut probablement nous servir de manuel de survie. Un proverbe yiddish dit d’ailleurs : « Prépare-toi au pire, le meilleur peut s’arranger de lui-même. » Ce qui a l’air d’être une évidence, nous dit Taleb, ne l’est pas du tout : « N’avez-vous pas remarqué que la plupart des gens se préparent au meilleur et espèrent que le pire s’arrangera de lui-même ? »
Nous vous proposons donc dans ce numéro un voyage à travers les stratégies de la tradition juive pour affronter les crises. Par leur histoire, les Juifs forment un « peuple résilient » (p. 21, p. 82, p. 94) capable de faire face à l’imprévu. D’abord parce que – et l’hébreu nous le dit de bien des façons (p. 8, p. 10, p. 70) – toute crise porte en elle les moyens de la surmonter, de garder espoir et de se relever (p. 16). Ensuite car cet imprévu est la seule chose que l’on peut prévoir à coup sûr (p. 24), qu’il soit éprouvant ou heureux, comme les miracles évoqués dans la Bible (p. 27). Et enfin parce que « s’attendre à tout », c’est aussi percevoir les phénomènes dans leur gestation (p. 31) pour mieux s’y préparer.
Dans l’histoire juive, les situations de crise et de confinements divers – qui furent hélas courantes (p. 38) – ont toujours stimulé, du fait même de leur caractère bouleversant, la créativité des penseurs et des décisionnaires (p. 42). En l’occurrence, la pandémie de Covid-19 a posé pour les Juifs des questions rituelles (p. 46) et éthiques vertigineuses (p. 51, p. 57), qui ont pu sembler inédites mais qui furent appréhendées en puisant dans l’immense jurisprudence talmudique.
Cette étrange crise sanitaire a aussi été l’occasion de mesurer, notamment au sein de nos communautés (p. 61, p. 65) et en Israël (p. 67), la faculté à s’adapter, à innover, à explorer et à expérimenter de nouveaux chemins, enrichissant le lien social (p. 73) et la vie juive d’aspects originaux, souvent audacieux et débordants de vie.
À notre niveau, les camps E.I. de cet été, bien que soumis à des contraintes sanitaires et organisationnelles inédites, ont permis à une créativité pédagogique et logistique de s’exprimer : nous ne pouvons que nous en féliciter.
Bonne lecture !
Publié le 03/09/2020