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Les juifs de la Jamaïque

Ecrit par Jean-Pierre Allali

Jamaïque. Jamaica. Au sud de Cuba, dans la mer des Caraïbes, une île de 11 000 kilomètres carrés, indépendante depuis le 6 août 1962, abrite 3 millions d'habitants. Parmi eux, quelques centaines de Juifs dont des résidents temporaires : diplomates israéliens ou agents de compagnies internationales.

« Nombreux sont les Cohen et les Lévy dans les annuaires téléphoniques jamaïcains », raconte la journaliste Mylène Sebbah[1]. C'est qu'il fut un temps où l'on comptait plusieurs milliers de Juifs dans l'île qui, au cours des siècles, se sont fondus dans la masse et totalement éloignés de leur communauté d'origine.

L'histoire des Juifs de Jamaïque commence en 1502. Christophe Colomb, qui avait déjà visité l'île lors de son second périple en 1494, la retrouve pour son quatrième voyage. Il est accompagné, comme toujours au cours de ses voyages, de nombreux Marranes[2]. L'île est peuplée d'Arawaks installés là depuis des siècles. Pour échapper à l'Inquisition, les Marranes vont s'installer en Jamaïque qui, d'ailleurs, sera offerte en cadeau par les souverains espagnols à Christophe Colomb.

En 1655, la Jamaïque est occupée par les Anglais. Emmenée par l'amiral William Penn et le général Robert Venables, une expédition s'empare de l'île jusque-là espagnole. Par ricochet, cela provoque une nouvelle vague d'immigration juive. Port Royal est fondé en 1656, qui devient le repaire des pirates de la Caraïbe, dont Henry Morgan qui deviendra le gouverneur de l'île. Le 7 juin 1692, un grand tremblement de terre détruit Port Royal. Les deux tiers de la ville passent sous le niveau de la mer. La communauté juive paie un lourd tribut à cette catastrophe. Au cimetière de Hunts Bay, des pierres tombales avec des inscriptions hébraïques témoignent de cette époque.

Au XVIIIe siècle, la communauté reconstituée compte parmi ses membres de nombreux commerçants, des producteurs de canne à sucre et de bananes et des transporteurs maritimes. Les Juifs, qui, pour la plupart, vivent dans la capitale, Kingston, et à Port Antonio, obtiennent en 1747 le droit d'être naturalisés.

En 1831, après des années de lutte, les Juifs obtiendront également le droit de vote.

Après une première synagogue, Shaaré Shalom, construite à Kingston en 1700, une autre, Neve Shalom, le sera à Spanish Town en 1704.

De nos jours, le judaïsme jamaïcain qui s'était peu à peu dissous renaît de ses cendres. En septembre 2011, un rabbin à plein temps a été engagé à la synagogue Shaaré Shalom.

Comme souvent, à travers le monde au sein de petites communautés, le mouvement Habad Loubavitch s'est implanté en Jamaïque depuis septembre 2014. Un jeune rabbin, Yaakov Raskin, dont le grand-père avait visité l'île en 1957, et son épouse Mushkee, se sont installés à Montego Bay. Ils sillonnent le pays, à la recherche de « Juifs potentiels » en vue d'une re-judaïsation.

Une déclaration de ce rabbin de choc résume son action diversifiée : « Nous avons célébré Hanouka à Ocho Rios, Tou Bichvat à Kingston, la veille de Pourim à Kingston, le jour de Pourim à Montego Bay et Pessah et Lag Baomer à Montego Bay.[3] »

 

La communauté juive a donné, au cours des siècles, plusieurs personnalités à la Jamaïque. Ainsi, Joseph Asenheim, propriétaire du « Gleaner », le plus grand journal du pays, dont le fils, Leslie Asenheim, sera le directeur. Un deuxième fils de Joseph Asenheim, Sir Neville Asenheim, sera président du Sénat et ministre. Il sera, en 1962, le premier ambassadeur de la Jamaïque indépendante aux États-Unis. Sans oublier le peintre Mendez Belisario (1795-1849).

Il y a quelques années, dans le cadre du 350e anniversaire des premiers Juifs en Jamaïque, un Centre du patrimoine juif a été créé, qui se donne pour mission de restaurer tous les lieux de mémoire juifs de l'île. Les vingt et un cimetières juifs de l'île dont seuls deux fonctionnent aujourd'hui sont en voie de restauration, tout comme les synagogues.

En Jamaïque, l'année 2020 semble pleine de promesses pour un judaïsme renaissant.

[1] Israël Infos du 26 décembre 2012.

[2] Sur les liens entre Christophe Colomb et le judaïsme, voir Et si… dans le sixième numéro de L’éclaireur.

[3]  Time of Israel du 30 mai 2015.

 

Publié le 23/08/2020


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