Samkhout סמכות
C’est le pouvoir légitime de commander (l’autorité parentale se dit סמכות הורית). Un spécialiste qui fait autorité dans son domaine est appelé בר-סמכא.
On retrouve ce mot dans la smikha, l’ordination rabbinique, qui consistait à poser ses mains sur la tête du disciple devenant lui-même un maître. La smikha remonte à Moïse en personne qui ordonna Josué comme successeur. Aujourd’hui, le titre de rabbi ou de rav correspond à l’autorisation d’enseigner ou d’exercer la fonction de rabbin, délivrée par une institution religieuse.
Le rabbin Léon Askénazi (Manitou) définissait un maître comme « quelqu’un qui a lui-même eu un maître », autrement dit qui s’inscrit dans une tradition, qui a été disciple durant un temps et qui a fait ses preuves.
Samkhout s’écrit d’ailleurs avec les mêmes lettres que smikhout, « la proximité », et donc la continuité dans la transmission et l’autorité religieuse (continuité qui n'est pas népotisme puisqu'elle exige une nomination).
Rav רב
La racine rav, qui veut dire « beaucoup » ou « maître » (le maître détient un large savoir), ne désigne pas tant le quantitatif que le qualitatif : l’injonction biblique de croître et de multiplier (rvou) est interprétée comme l’obligation de « faire des enfants » mais aussi et surtout de les élever.
Enfin, rav se rattache à rov, « la majorité », qui a une place de choix dans les décisions juridiques (voir Rachi sur Exode 23,2).
Cette racine a donné rabanout, le rabbinat, mais aussi, dans la Michna, l’exercice du pouvoir. Exercice qui n’est pas sans risque : « Si Joseph est mort avant ses frères, c’est qu’il s’est comporté de façon autoritaire envers eux » dit le Talmud (traité Bérakhot p.55a), qui compare le pouvoir à une servitude (Horayot, p.10a) et déclare : « Malheur à l’autorité, car elle enterre ceux qui l’exercent » (Pessa’him p.87b).
Très proche étymologiquement, ribonout désigne la souveraineté (Dieu est désigné comme ribono chel olam, le maître du monde).
Dans le Talmud, on trouve aussi mar (מר)pour désigner le maître (ou simplement « Monsieur », aujourd’hui) et maran(« notre maître ») pour les sommités. מרות désigne donc une forme d’autorité (proche de moré, « professeur » et « guide ») dont la racine (MR) évoque l’amertume… l’enseignant ne doit pas être un démagogue (ce qu’il enseigne ou exige peut avoir un goût amer) et l’exercice même de l’autorité peut être décourageant.
Rachout רשות
L’autorité se dit aussi rachout. Rachi explique le monothéisme par le rejet de l’idée qu’il pourrait y avoir « plusieurs réchouiot dans les cieux ». En hébreu moderne, ce terme a une portée politique (on dit par exemple haréchout hapalestinaït, « l’autorité palestinienne ».)
Ce mot veut aussi dire « possible » ou « facultatif » (réchout, par opposition à ‘hova, dans la loi juive), ce qui semble paradoxal, sauf à considérer, comme le fait Hannah Arendt, que « l’autorité implique une obéissance dans laquelle les hommes gardent leur liberté ».
Est-ce pour cela que les mêmes lettres désignent à la fois ce qui enferme (rachout = « grillagé ») et la pauvreté (indigence et fragilité du pouvoir illégitime) ?
Enfin, réchout est lié à réchet, « filet » et « suite », où l’on retrouve l’idée évoquée plus haut de continuité dans l’exercice de l’autorité.
Charvit שרביט
Il existe encore d’autres termes pour désigner l’autorité, comme שלטון chilton (étymologiquement voisin de « sultan »), ou encore charvit (comme dans l’expression תחת שרביטו של-, « sous l’autorité de »), qui correspond au sceptre (ou à la baguette du chef d’orchestre), terme que l’on trouve par exemple dans le Livre d’Esther (4,11) à propos du sceptre d’or d’Assuérus.
Publié le 03/06/2020