Son travail sur l’effet photoélectrique fonde la physique quantique, il lui vaudra le prix Nobel de physique en 1921. Il publie la même année un autre article sur le mouvement brownien constituant un argument décisif en faveur de la conception atomiste de la matière. Il élabore également la théorie de la relativité restreinte permettant d’unifier dans un même cadre théorique et conceptuel la mécanique classique d’Isaac Newton et l’électromagnétisme de James Maxwell. Il refonde alors totalement les notions les plus fondamentales de la physique, que sont l’espace et le temps et en déduit la fameuse formule E=mc2. En 1916 ensuite, après un travail acharné, il élabore la relativité générale en incluant à sa relativité restreinte la gravitation qui décrit la chute des corps, il parvient ainsi à exprimer ses effets et à expliquer son origine. Il construit pour cela un cadre théorique où les lois de la physique conservent la même forme, quel que soit le mouvement de l’observateur. Dans ce cadre, l’Univers apparaît alors comme un objet physique comme les autres, la cosmologie scientifique moderne est née, l’Univers y est dynamique, évoluant au cours du temps, avec une histoire et un début. Toutes ces avancées sont d’une ampleur sans doute unique dans l’histoire de la physique, et même sans doute dans l’histoire des idées, elles ont fait d’Albert Einstein l’un des plus grands scientifiques de tous les temps.
Cette consécration n’est pas cependant la seule traduction de progrès même considérables dans la lignée des conceptions scientifiques établies, elle vient en fait couronner plusieurs véritables ruptures avec celles-ci. Mais, en sciences, les révolutions sont paradoxalement respectueuses de la tradition, elles consistent bien sûr à construire un nouveau cadre de pensée comme l’a fait Albert Einstein mais sans détruire l’ancien ; il s’agit en fait de délimiter le pouvoir d’interprétation et le domaine d’application du cadre ancien et d’élargir l’horizon avec le cadre nouveau, grâce à de nouveaux concepts. On est capable alors d’approfondir des questions déjà posées et on ouvre de nouvelles questions précédemment inexistantes. Ainsi, semblable aux grands explorateurs, Albert Einstein a découvert de nouveaux territoires, voire même il les a inventés !
Mais, pour cela, il fallait donc oser se défaire du carcan que représente le mode de pensée d’une théorie physique qui a déjà démontré dans de nombreuses situations son pouvoir explicatif et prédictif, mais dont on distingue pourtant les limites. Il fallait absolument être disposé au mouvement qui porte à des actions extraordinaires, au mépris des obstacles, voire des dangers. Il fallait faire preuve d’une âme de conquérant, il fallait faire preuve d’audace ! Bien sûr l’anticonformisme, l’esprit rebelle, voire même provocateur, d’Einstein à l’égard de l’autorité imposée a dû favoriser une telle attitude mais comme il le déclara lui-même « en premier lieu » il s’agit de « ne cesser jamais de penser à ces questions qui sous-tendent la physique », et de ne jamais abandonner grâce à une volonté inébranlable pour atteindre son étoile, soit « connaître les pensées de Dieu ; tout le reste n’étant que détail ». Albert Einstein fit donc preuve d’une audace augmentée de courage, de force et d’une énergie incommensurables. Sans oublier bien sûr le secret absolu propre au génie, la capacité à créer !
Albert Einstein a su toujours penser et le faire toujours d’une manière très originale. Il imaginait par exemple des situations extrêmes, des expériences de pensée, mettant en jeu des rayons lumineux, des échanges de signaux, des mouvements dans des situations très spécifiques pour concevoir et répondre aux difficultés conceptuelles que posaient ces recherches. Albert Einstein poursuivit son travail avec les forces et l’énergie nécessaires et ce, jusqu’à l’épuisement. Il resta après la relativité générale en 1916, alité deux ans au bord de la rupture par l’effort de création auquel il avait tout donné. Il se releva ensuite toujours animé par le feu créateur, propre aux audacieux, aux courageux, aux téméraires, et poursuivit ses recherches sur l’unification des lois de la Nature. Même si elles n’ont pas abouti avec le même succès, ces recherches alimentent à leur façon les travaux les plus poussés en physique, encore aujourd’hui.
Cette audace et ce qu’elle a engendré, Albert Einstein l’a menée également avec morale et humanité. Cette audace s’est exprimée dans tous les combats politiques qui furent les siens contre le nazisme et toutes les formes de barbarie. Elle le conduisit à alerter le président Roosevelt de la nécessité imminente de mener un programme de recherche sur la bombe atomique craignant que celle-ci ne soit découverte préalablement par les nazis et par là même fermant définitivement l’espoir d’un quelconque projet pour l’être humain. Mais cette audace et la force de proposition qu’elle représentait n’excluaient pas la conscience et la lucidité. Le savant tenta en effet de se raviser lorsqu’il jugea que les conséquences liées à l’utilisation de l’arme nucléaire risquaient d’échapper à la raison humaine, il milita alors pour un désarmement complet et une société politique plus juste et généreuse.
Son audace, son courage, son combat de vie, le menèrent également à défendre la création de l’État d’Israël. Il lui fut proposé d’en être le premier président par Chaïm Weizmann lui-même, mais il refusa, en restant viscéralement attaché au judaïsme et à sa préservation, mais trop intransigeant devant l’évolution morale et politique des États pour prendre ce type de responsabilité. Enfin, les réflexions philosophiques sur la nature de la réalité, la nature de la connaissance scientifique, le mystère de la vie, la beauté de la science, de l’art et de la religiosité cosmique manifestent également l’audace, le courage et la puissance intellectuelle exceptionnels du savant. Dans toutes les entreprises de sa vie Albert Einstein bouscula l’ordre établi, mais ses audaces ne furent jamais des hardiesses excessives et prêtant à critique ; au contraire, alliées à la témérité et au feu créateur du vrai génie, elles furent une réelle qualité de l’âme, qui l’incita à accomplir des actions difficiles, à prendre des risques pour réussir ce qui semblait impossible !
Publié le 23/11/2018