L’humanité fait face à une avancée scientifique et technologique exponentielle au point qu’on envisage – doit-on s’en réjouir ou s’en inquiéter ? – des mutations sans précédent décuplées par la puissance économique des géants américains et chinois d’Internet qui investissent des sommes colossales dans le big data, les biotechnologies et l’intelligence artificielle (I.A.). L’ère du transhumanisme est arrivée, opposant ses laudateurs aux bioconservateurs. Bébés à la carte, régénération des organes par des cellules souches, implants cérébraux décuplant nos facultés cognitives, casques télépathiques, robotisation de très nombreux métiers, colonisation de Mars… tout semble devenir possible.
S’agit-il d’effets d’annonce jouant sur nos peurs et notre fascination ou faut-il prendre au sérieux le projet transhumaniste ?
Le judaïsme est-il capable de penser de telles mutations ?
Rappelons qu’il n’existe pas, dans la tradition juive, de condamnation de principe des avancées de la science, même quand celle-ci rivalise avec Dieu. Des sages du Talmud au Maharal de Prague – qui créa, selon la légende, un golem dont on peut considérer qu’il annonçait les androïdes de demain –, la pensée juive invite l’homme à parachever le monde. Cette technophilie s’inscrit dans une conception d’un monde délibérément inachevé par Dieu. Mais n’oublions pas que le golem échappa à son créateur, se transformant en machine de destruction. Aujourd’hui, des scientifiques envisagent très sérieusement la possibilité d’une I.A. se retournant contre ses concepteurs et l’un des arguments des partisans de « l’homme augmenté » est justement de permettre à l’homme de ne pas être dépassé par sa création.
Si toutes les « promesses » des transhumanistes ne se réaliseront sans doute pas, que disent-elles de nos idéaux et de nos frustrations ? Que révèlent-elles de notre vision du monde ? La tradition hébraïque – la racine de ce mot évoque l’idée de dépassement – a-t-elle des choses à dire en matière de « post-humanité » ?
Publié le 05/09/2019