Pascal Jousselin est un scénariste et dessinateur de BD. Dans les deux tomes d’Imbattable, il nous raconte les aventures d’un super-héros qui parvient à sortir des cases de la bande dessinée, d’où son pouvoir. Il a accepté de répondre aux questions de L’éclaireur.
Imbattable possède-t-il un don ou fait-il preuve d’audace en osant sortir du cadre, de sorte à contrôler le temps et l’espace ?
C’est un super-pouvoir, donc une sorte de don. Mais, comme tout pouvoir, son utilisation comporte un certain risque et il faut donc effectivement une certaine audace pour s’en servir.
Dans l’un des épisodes du premier volume d’Imbattable, ce dernier jette l’ancre du bateau qui déborde sur la case du dessous et abîme ledit bateau. Est-ce une façon de nous dire que « sortir du cadre » est parfois dangereux ?
Non, c’est juste un gag. Et, au passage, cela nous permet de découvrir qu’Imbattable a beau être imbattable, il n’est pas infaillible.
Imbattable est un personnage de fiction doté de pouvoirs. Pourtant, il fait ses courses, habite dans une petite commune, ne manque jamais le déjeuner dominical chez sa grand-mère ; bref, il nous ressemble. Dès lors, peut-il être une source d’inspiration pour nous dans la « vraie vie » ? Existe-t-il des façons concrètes de s’inspirer de son comportement de passe-muraille ?
Dans une certaine mesure, ce projet essaie de s’inscrire dans la grande tradition classique des BD d’humour et d’aventures franco-belges. Imbattable a donc les qualités-types des héros dece genre (Spirou, Tintin, Lucky Luke, pour ne citer que les plus fameux) : il ne supporte pas l’injustice, il est toujours prêt à aider ses semblables, il est respectueux, poli, courageux, etc. En tant que héros classique, Imbattable est donc porteur de ces valeurs humanistes archétypales. Pour autant, c’est un personnage « décalé » : il n’a pas un physique de super-héros, il ne quitte jamais son costume un peu ridicule... Et, comme nous ne sommes plus dans les années 1950, ses qualités de « héros pur » participent aussi à ce décalage : Imbattable a sincèrement du mal à concevoir qu’on puisse volontairement faire du mal à ses semblables, qu’on puisse être mesquin, vénal, hypocrite, calculateur. Ce qui fait qu’il est assez naïf. Par exemple, dans un épisode du tome 1, Imbattable est au téléphone avec le maire de sa petite ville. Et, pour une certaine raison, le maire joue la comédie, n’écoute pas Imbattable et finit par raccrocher. Or, notre héros n’imagine pas une seule seconde que le maire lui a raccroché au nez, pour Imbattable, la seule explication possible, c’est que son téléphone est en panne...
En écrivant Imbattable, j’essaie avant tout de m’amuser et d’amuser le lecteur. Je n’ai pas de message particulier à faire passer. Et même si, comme dans tout récit, il y a inévitablement un sous-texte plus ou moins important, celui-ci n’est pas écrit de manière vraiment consciente.
Les pouvoirs de votre personnage lui donnent une grande liberté mais n’est-ce pas, paradoxalement, une contrainte pour vous dans l’écriture des scénarios ?
Oui, on peut en effet dire cela. Mais l’écriture BD en soi est déjà une succession de multiples contraintes (récit obligatoirement découpé en une succession de cases, contrainte d’agencement spatial des infos au sein d’une case, ellipses, vision de la page, de la double page, etc.). Et pour le récit à proprement parler, c’est la même chose : au bout de quelques pages, une partie du ton et une partie de l’univers sont posées. La suite s’écrira au sein de ce cadre, avec donc la contrainte de certaines limites à ne pas dépasser pour préserver une cohérence globale du récit.
Dans le cas particulier d’Imbattable, la contrainte (super-pouvoirs liés au langage BD) est aussi le moteur du projet et du récit. Sans elle, pas d’aventures d’Imbattable. Donc on peut aussi retourner ce paradoxe : sans cette contrainte, pas de liberté.
Publié le 23/11/2018