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À vrai dire

Ecrit par Témoignage d'Ariel Kandel

Ariel Kandel vit en Israël où il dirige l’organisation Qualita qui œuvre pour une meilleure intégration des olim français. Né à Paris, il a fréquenté les E.I. puis le Bné Akiva. Il fait son alya en 1991 et rejoint la yeshiva Héh’al Éliahou puis les rangs de Tsahal au sein de l’unité Golani.  Durant vingt ans, il a assumé diverses fonctions au sein de l’Agence Juive : directeur adjoint de l’institut de formation d’animateurs, directeur du bureau européen, directeur de l’Agence Juive en France durant la grande vague d’alya et directeur de la stratégie France.


Ariel Kandel, quelle place occupe selon vous Israël au sein de l'identité juive ?

Cela me rappelle un poster méconnu concernant Israël sur lequel il était inscrit : « On ne vous a jamais promis un jardin de roses. »

J'y aurais ajouté : « Faites-les poussser ! », comme nous le dit le prophète Isaïe : « Que le désert et le sol brûlé se réjouissent ! Que la plaine aride exulte et fleurisse comme la rose ! » La question de la centralité d'Israël peut être posée mais la réponse est évidente ! Le peuple juif au XXIe siècle est essentiellement créatif sur sa terre, au sein de son État, « l'État juif », « l'État des Juifs », l'État d'Israël. Dans l'immense majorité des textes de la littérature juive, la terre d'Israël est centrale mais elle nous demande d'être acteurs de notre histoire pour la faire fleurir. On ne peut pas se contenter d'être spectateur. 

Comment cette centralité est-elle née ?

Le peuple juif sort d'Égypte avec pour but d'atteindre la terre d'Israël via le mont Sinaï. Le mont Sinaï est une étape importante où le peuple reçoit la Tora, mais le but ultime, la direction finale, est bien la terre d'Israël. 

Ce but, par ailleurs, ne peut être atteint qu'en passant par le désert. Désert au sein duquel les enfants d'Israël sont véritablement assistés. Ils y reçoivent, sans fournir aucun effort, leur nourriture (la manne), leur eau (via un puits qui, miraculeusement, suivait le peuple d’Israël) et une protection contre tous les dangers (via les colonnes de nuée et de feu). 

Les explorateurs envoyés par Moïse refusèrent d'entrer en terre d’Israël, refusant par là même de faire partie de l'histoire, par volonté de rester spectateurs de leur destin, par désir de profiter passivement des miracles sans les provoquer. 

C'est contre ce phénomène d'assistanat que nous devons aujourd'hui lutter. Contre le phénomène Google, de l'écran, contre la volonté d'avoir tout, tout de de suite. Contre la volonté d'être spectateur de notre histoire sans prendre nos responsabilités. En devenant acteurs. C'est ce processus important qui s’incarne en Israël.

Pourquoi la présence en Israël est-elle si importante ?

Pour que nous soyons acteurs de notre histoire. Le peuple juif peut bien évidemment être créatif en dehors d'Israël mais c'est en Israël que sont réunies toutes les composantes de son identité. Les cinq piliers de cette identité définis par Avraham Infeld (Mémoire, Tradition, Hébreu, Peuple juif et Israël) se trouvent tous en Israël. Seul Israël offre aujourd’hui la possibilité de créer et de vivre une identité juive sous toutes ses facettes.   

Les E.I. les plus célèbres l'avaient déjà compris : seule l’alya, la « montée », a pu leur permettre d'atteindre la fameuse Tivliout, l'harmonie. D’harmonie, il n'y a qu'en Israël ! Certes, il s'agit d'un processus compliqué mais qui peut être réalisé.

Pour vous qui vivez depuis près de trente ans en Israël, cela vous paraît évident ! Ce processus est-il facile ?  

« La terre où coule le lait et miel », nous indique la Tora. Étonnante comparaison car ces deux aliments (le lait et le miel) sont certes casher mais proviennent pourtant d'éléments qui ne le sont pas. Le miel provient de l'abeille qui n’est pas casher et le lait provient, selon le Talmud, du sang qui ne l'est pas non plus.

Le rav Kook, dans son commentaire sur le Talmud, explique que ce verset constitue l'essence même de l'existence du peuple juif sur sa terre : la transformation. C'est uniquement sur sa terre que le peuple juif peut transformer l'abeille en miel et le sang en lait. Faire refleurir le désert ! Telle fut et telle est encore aujourd'hui la mission du peuple juif en Israël. De Ben Gourion à l’application Waze, l'irrigation juive permet au monde entier de se diriger grâce au Mobile Eye. Bien évidemment, il ne s'agit pas de se reposer sur ses lauriers, Israël ne peut se permettre ce luxe. Contre l'assistanat, il faut toujours être en mouvement. 

Le peuple juif n'est pas élu et la terre d'Israël n'est pas sainte. Comme le disait Yeshayahou Leibowitz : « Le particularisme du peuple juif ne tient pas d'un fait empirique mais d'une mission (…) Le peuple d'Israël n'est pas le peuple élu, il lui est ordonné de le devenir (…) "Il existe dix choses saintes : la terre d'Israël est la plus sanctifiable de toutes". Il n'est pas dit qu'elle est "sainte" mais "sanctifiable" ». La terre d'Israël est sanctifiable et le peuple juif a pour mission de la sanctifier tous les jours. 

Seule cette action quotidienne de sanctification peut permettre au peuple juif d'atteindre l'excellence.  Robert Gamzon (Castor) disait : « Après tout, le scoutisme, la Résistance même n'auront-ils pas été la préparation rêvée pour la grande œuvre de reconstruction, de régénération entreprise au pays d'Israël ? Ici, au moins, on construit pour durer, on a enfin le sentiment que c'est définitif. Voilà près de deux millénaires que nous sommes frustrés de ce sentiment-là ! »

C'est ce sentiment qui nous pousse tous les jours à construire notre identité juive en Israël, seul lieu dans lequel nous pouvons aspirer à atteindre la perfection.

Publié le 28/06/2019


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