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Avant-propos

En Israël vit aujourd’hui près d’un Juif sur deux et les statistiques, pour les décennies à venir et à moins d’une catastrophe imprévisible, devraient confirmer cette centralité démographique. Cette prédominance sur la diaspora ne peut pas ne pas affecter la relation Israël/diaspora. Celle-ci a répondu au défi sioniste de deux manières diamétralement opposées au cours de l’histoire : la reconnaissance inconditionnelle de la centralité d’Israël ou bien le rejet du sionisme. Alors que, jusqu’à la guerre des Six-Jours, les communautés juives attachées au modèle de l’émancipation estimaient devoir prendre leurs distances avec le sionisme et manifestaient un soutien à Israël du bout des lèvres pour ne pas être soupçonnées de « double allégeance », depuis 1967, la situation a changé de fond en comble : elles affirment ouvertement leur soutien à l’État d’Israël, à sa raison d’être et à son existence comme à la politique du gouvernement. Les communautés juives sont devenues en quelque sorte une courroie de transmission de l’État d’Israël, outre le réservoir d’immigration qu’elles constituent toujours. Cette relation a été justifiée par le contrat suivant : Israël s’engage à intégrer les Juifs de diaspora en son sein en échange de leur soutien moral, politique et financier au développement de l’État d’Israël et à l’accroissement de son prestige dans le monde.

Ce numéro de L’éclaireur entend s’interroger sur les effets d’une telle situation sur la diaspora. Il ne s’agit nullement de revenir sur les acquis ou de mettre en cause l’attachement à Israël. Il s’agit encore moins de proposer une indifférence à Israël ou une occultation de la réalité israélienne et de son importance. Toutefois, la diaspora, à force d’être considérée soit comme un réservoir d’alya, soit comme une force d’appoint, ne signe-t-elle pas sa reddition spirituelle et morale, d’autant plus que l’État d’Israël, officiellement, la tient toujours pour une condition en sursis ?

Quelles pourraient être les lignes d’un nouveau contrat qui lierait les deux, sans que la diaspora soit absorbée par une forme d’obéissance à l’État d’Israël ? N’y a-t-il de choix qu’entre se soumettre et se démettre ? Dans ce dossier, nous souhaitons creuser, pour la première fois, cet espace qui s’ouvre entre la soumission à Israël et l’affranchissement à son égard, deux extrêmes à récuser ou à tempérer.

Le regard des institutions juives sur le sionisme et Israël a-t-il évolué ? Par ailleurs, comment définir la positivité intellectuelle et culturelle de la diaspora ? Qu’est-ce que les diasporas américaine et française, notamment, peuvent apporter à la pensée et à la culture juives, dans le dialogue entre religieux et laïques, dans le dialogue interreligieux, etc. ?

Publié le 07/06/2019


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