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Un pain céleste

Ecrit par Gabriel Blokor - Enseignant

L’uchronie est un genre littéraire relevant de la fiction et qui consiste à réécrire l’histoire en imaginant les conséquences de la modification d’un événement précis. C’est donc un récit alternatif. Cette rubrique se propose d’appliquer ce principe à des grands moments de l’histoire juive. À l’approche de la fête de Pourim, nous osons une uchronie biblique légère et sucrée.


Les Hébreux se nourrirent de « pain céleste » durant les quarante années de leurs pérégrinations dans le désert.

Sortis d’Égypte, les Hébreux se plaignent de ne pas avoir de viande et de pain à manger. Dieu annonce à Moïse qu’il fera désormais venir des cailles, chaque soir, portées par le vent. Le campement en était quotidiennement recouvert. Chaque matin tombait la manne, le pain céleste. De quoi éprouver la foi des Hébreux car si quelqu’un tentait d’en mettre de côté pour le lendemain, elle pourrissait. En revanche, raconte la Tora, elle tombait en double portion le vendredi pour que les Hébreux n’aient pas à aller la ramasser durant leur repos sabbatique. C’est en souvenir de cette double portion que l’on récite la bénédiction sur le pain du chabbat avec deux ‘halot (pains de chabbat). Tandis que les Hébreux dormaient encore, un vent du nord balayait le sol du désert, le débarrassant de toute saleté. Une pluie fine continuait de nettoyer le sol puis la rosée constituait comme une nappe brillante sur laquelle allait se déposer la manne, chaude et prête à être consommée. Une seconde couche de rosée venait recouvrir le pain céleste pour le protéger de la poussière et des insectes. C’est en mémoire de ces deux couches de rosée enveloppant la manne que les pains de chabbat sont posés sur un plateau ou un napperon puis recouverts d’un autre napperon. D’odeur agréable, fine et granuleuse, la manne était ronde et blanche. Elle doit son nom à l’interrogation des Hébreux, man hou ?, « qu’est-ce que cela ? » (Exode, 16,15) lorsqu’ils en virent pour la première fois. Cette nourriture céleste, dit le Midrash, était entièrement assimilée par le corps sans occasionner de déchets. Et, dit-on même, elle prenait des goûts variés, selon les désirs et l’imagination du consommateur. Une même quantité de manne tombait pour chaque famille.

Après la construction du tabernacle, le temple portatif qui allait accompagner les Hébreux dans le désert, on conserva dans un flacon en argile une portion de manne qui devait servir de témoignage pour les générations futures. Le prophète Jérémie, des siècles plus tard, le montra à ses contemporains qui prétendaient ne pas pouvoir consacrer de temps à l’étude sacrée, devant travailler pour se nourrir. Et Jérémie de leur rappeler, manne en main, que « c’est Dieu qui nourrit ceux qui le craignent ».

Pline considérait que la manne dont parle la Bible est en réalité le produit du tamaris. Cet arbuste exsude en effet un liquide sucré qui durcit en tombant sur un sol refroidi par la nuit.

Publié le 04/06/2019


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